Rendez-vous des pédagogues

Au printemps 2023, professeurs de France et de Terre Sainte se rencontrent lors de rendez-vous organisés par l’équipe du Réseau Barnabé, au cours desquels ils croisent leurs regards loin des urgences du quotidien, dans un temps de respiration centré sur les personnes.
C’est une occasion unique d’échanges entre professeurs de France et de Terre Sainte, qui se réunissent en petits groupes d’enseignants d’écoles différentes. Deux ou trois heures d’échange naturel, sans fard.
Déroulement des rencontres
Les questions posées sont très ouvertes pour permettre que surgisse une grande variété de réponses, de surprises, de propositions.
Chacun ose parler à la première personne du singulier pour essayer de dire qui il est, quelles sont ses représentations, ses croyances, ses changements, ce qui est important pour lui…
Chacun se met à l’écoute des autres avec la conviction qu’on n’accède pas seul à la vérité et que chacun a besoin de l’attention et des retours des autres pour mieux entendre sa propre parole, ses enjeux, ses équivoques, ses lignes de fond…
Chacun veille à se référer à des situations concrètes, des souvenirs, des expériences, des anecdotes personnelles, plutôt qu’à des idées générales.
Objectifs
De tels temps de rencontres contribuent à la reconnaissance des personnes, favorisent leur engagement, leur permettent de travailler sur ce qui leur importe le plus et inspire leur action d’une manière bien plus féconde que les théories, les manuels, les normes et les modèles.
L’engagement de chacun dans cette démarche d’intelligence collective est fécond, sans jamais pouvoir fixer à l’avance un objectif précis et définitif.
Textes inspirants
Première entrée
Dire Je
« Jésus est le Sujet par excellence : le Je qui appelle d’autres « je ». Cette trouvaille sensationnelle pour l’humanité a fait également sensation dans ma vie, et je crains que l’histoire du christianisme n’ait pas su s’en emparer comme il se doit. Et je crois comprendre pourquoi : l’émergence du sujet, c’est la mise en insécurité définitive du collectif. »
Marion MULLER-COLARD
Le Complexe d’Élie, Labor et Fides, 2016, p.132.
« Que veut dire « parler en vérité » ? Est-ce dire des choses vraies ou est-ce occuper une position de vérité, c’est-à-dire le fait d’être sujet de la parole ? On peut dire des choses vraies et que ce soit une vérité sans vérité. Avant même de donner du sens à ce qui est dit et d’entrer dans l’interprétation, avant même que ne se pose la légitime question de savoir si c’est juste ou non, vrai ou pas, ce qui fait que la vérité est vérité est l’institution de celui qui parle dans une certaine position subjective. […] Peut-être est-ce aussi de cette façon que nous pouvons comprendre cet énoncé évangélique où le Christ déclare : « Je suis la vérité » (Jn 14-6). En disant qu’il est la vérité, il ne dit pas qu’il révèle quelque chose comme étant la vérité, mais que la vérité est la manifestation d’un « je » qui parle, pas révélation de quelque chose, mais de quelqu’un. »
Jean-Daniel CAUSSE
Lacan et le christianisme, Campagne Première, 2018, p.214.
Écouter
« Contrairement à un certain nombre de ses prédécesseurs, le roi Josias (mis sur le trône dès ses huit ans) est un homme droit et un roi juste : « Il fit ce qui est agréable au Seigneur et imita en tout la conduite de son ancêtre David, sans en dévier ni à droite, ni à gauche. » Après quelques années de règne, il entreprend de restaurer le Temple. À cet effet, il envoie son secrétaire Shaphân au Temple afin de rencontrer les grands-prêtres et surtout les convaincre de lui remettre l’argent qu’ils ont pour payer les ouvriers. Lors de cette rencontre, le grand-prêtre de l’époque, Hilqiyyahu, dit à Shaphân: « Au fait, j’ai trouvé le livre de la Loi dans le temple du Seigneur. » Le livre de la Loi – entendre : le Décalogue, la Parole même de Dieu – était perdu, et personne ne s’en était préoccupé depuis des chapitres, voire des années ! [Le roi] convoque tout le monde : le grand-prêtre, son secrétaire, le fils de son secrétaire, un ministre, et leur demande instamment d’aller « consulter le Seigneur » pour comprendre de quoi il retourne. Car la parole de Dieu ne se comprend pas seul. C’est en écoutant la lecture des autres qu’elle devient vivante, et qu’elle se lève. »
Quand la parole se lève, Études, juillet 2021.
« Écouter, c’est, là où il en est, tel qu’il peut aujourd’hui se dire, accompagner l’autre pour qu’il trouve lui-même quelque chose de sa vérité ; pour que, peu à peu, à travers ses hésitations, ses peurs, ses rancœurs, ses défenses, ses blocages, il trace lui-même son chemin, trouve lui-même sa propre stabilité ; pour que lui-même « fasse la vérité » dans sa vie et que, de lui-même, progressivement, il parvienne à la dire. […] Cela exige de moi, l’écoutant, un calme et une attention que ne viennent pas perturber mes propres réactions spontanées. Énervement intérieur, attitude réprobatrice ou culpabilisante… ne sont pas de mise quand j’écoute. Il me faut être accueillant, afin que l’autre puisse se sentir reconnu et aimé, là où il est en train de tâtonner. »
Philippe LESCÈNE, Écouter l’autre, Christus, mai, 2020.
« Avec raison, dans le Nouveau Testament, la Bible n’est pas de façon habituelle appelée « l’Écriture » mais « les Écritures » qui, cependant, seront ensuite considérées dans leur ensemble comme l’unique Parole de Dieu qui nous est adressée. Ce pluriel souligne déjà clairement que la Parole de Dieu nous parvient seulement à travers la parole humaine, à travers des paroles humaines, c’est-à-dire que Dieu nous parle seulement dans l’humanité des hommes, à travers leurs paroles et leur histoire. Cela signifie, ensuite, que l’aspect divin de la Parole et des paroles n’est pas immédiatement perceptible. »
Benoît XVI, Discours au monde de la culture, Collège des Bernardins,
12 septembre 2008.
Discerner
« En général, bien sûr, je crois que la mission d’une revue culturelle est de communiquer. J’ajouterais cependant de communiquer de la manière la plus incarnée possible, personnellement, sans perdre la relation avec la réalité et les gens, le « face-à-face ». Par là, j’entends qu’il ne suffit pas de communiquer des idées. Vous devez communiquer des idées qui viennent de l’expérience. Pour moi, c’est très important. Les idées doivent venir de l’expérience.
Prenez l’exemple des hérésies, qu’elles soient théologiques ou humaines, car il y a aussi des hérésies humaines. Selon moi, il y a hérésie lorsque l’idée est déconnectée de la réalité humaine. D’où la phrase que quelqu’un a dite – Chesterton, si je me souviens bien – que « l’hérésie est une idée devenue folle ». Elle est devenue folle parce qu’elle a perdu sa racine humaine.
La Compagnie de Jésus ne doit pas chercher à communiquer des idées abstraites. Elle entend plutôt communiquer de l’expérience humaine à travers les idées et le raisonnement : l’expérience, donc. On discute des idées. La discussion, c’est bien ; mais pour moi, ce n’est pas assez. C’est la réalité humaine qui est discernée. Le discernement est ce qui compte vraiment. La mission d’une publication jésuite ne peut pas être seulement de discuter, mais elle doit surtout aider au discernement qui mène à l’action.
Or, parfois, pour discerner, il faut jeter une pierre ! Si vous jetez une pierre, les eaux s’agitent, tout bouge et vous pouvez discerner. Mais, si au lieu de lancer une pierre, vous lancez… une équation mathématique, un théorème, alors il n’y aura pas de mouvement et donc pas de discernement.
Remarquez que ce phénomène d’idées abstraites sur l’humain est ancien. Elle caractérisait, par exemple, la scolastique décadente, une théologie des idées pures, totalement éloignée de la réalité du salut, qui est la rencontre avec Jésus-Christ. C’est pourquoi une revue culturelle doit travailler sur la réalité, qui est toujours supérieure à l’idée. Puis, si la réalité est scandaleuse, c’est encore mieux.
Par exemple, j’ai récemment rencontré le « Groupe de Santa Marta » qui travaille sur la scandaleuse réalité de la traite des êtres humains. Et cela nous émeut, nous touche et nous fait avancer. En revanche, les idées abstraites sur l’asservissement des personnes n’émeuvent personne. Vous devez partir de l’expérience et de son récit. C’est le principe que je voulais vous dire et que je vous ai recommandé : la réalité est supérieure à l’idée, et vous devez donc livrer des idées et des réflexions qui découlent de la réalité.
Quand vous entrez dans le monde des idées seules et vous vous éloignez de la réalité, vous finissez dans le ridicule. Les idées se discutent, la réalité se discerne. Le discernement est le charisme de la Compagnie. À mon avis, c’est le premier charisme de la Compagnie, et c’est ce sur quoi la Compagnie doit continuer à se concentrer, y compris en réalisant les revues culturelles. Ces revues doivent aider et favoriser le discernement. »
François
Entretien avec les éditeurs de revues de culture européenne jésuites,
19 mai 2022.
Rendez-vous des pédagogues, février 2023
Diaporama des rencontres à Jérusalem, Bethléem et Jaffa-Tel Aviv :
Rendez-vous des pédagogues, avril 2023
Diaporama des rencontres à Jérusalem, Beit Jala et Ramallah :
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- sur le site du Patriarcat latin de Jérusalem
- sur le site de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem
- dans l’hebdomadaire Paris Notre Dame.

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